La valorisation du patrimoine n’est plus dissociable selon Jean Michel Grard, responsable de Maîtres du Rêve, des enjeux de développement local : « les
vieilles pierres comme les vieilles histoires ne trouveront plus les ressources nécessaires à leur développement dans un contexte de raréfaction de la manne publique, si dès le stade des
études préalables, l’enjeu de l’impact sur un quartier ou une économie locale n’est pas pris très au sérieux : hormis les monuments classés, un euro investi dans la restauration de vieilles
pierres doit pouvoir justifier par ses retombées l’effort de la collectivité».
A Marseille, la question était posée d’un lieu de mémoire resituant la participation des Marseillais à la naissance de l’hymne national. Fallait-il pour autant un
musée ? Le cadre des bains turcs anciennement jeu de paume et furtivement club des jacobins était-il adapté à cette ambition ?
« Nous avons pris à bras le corps le défi d’un équipement qui, compte tenu de l’enclavement au cœur de la rue Thubaneau, devait pouvoir à lui seul motiver la venue.
Le registre d’un parcours spectacle (un type d’équipement encore inconnu dans le Sud-Est) et le choix sur esquisse des créateurs (l’agence d’architecture Stern International avec Dominique
Barbier comme vidéaste) découle de la nécessité de frapper fort pour motiver le pas de côté indispensable du visiteur ».
Ce genre de restauration avec déconstruction d’une partie importante de l’édifice, ne va jamais sans surprise : la complexité scénographique pose en outre la
question de la maîtrise du dialogue avec les artistes. Maîtres du Rêve était missionné pour assister le maître d’ouvrage à chaque nouvelle épreuve.
Jusqu’à 3 mois avant l’ouverture, la rue dite des Arts (vain effort municipal relégué sous des tas d’immondices quotidiens) semblait condamnée à toujours plus de
laisser-aller.
Le tourisme, et d’abord la visite des publics de proximité lors des journées portes ouvertes (plus de 3 000 visiteurs en 1 mois), semble avoir créé un déclic
qui profite à tous : remobilisation des services publics, impact des visiteurs sur les consommations des services de proximité… sans parler de l’ambition de capter une partie des
croisiéristes souvent en rade à Marseille faute d’une offre touristique de découverte à la hauteur de ce qu’ils pratiquent usuellement ailleurs dans le monde.
Le bar en face du Mémorial a couvert sa cour intérieure, certaines galeries semblent se réveiller après une léthargie que rien ne semblait vouloir déranger faute de
visiteurs.
La réussite tient à la fois à la nature d’un équipement accessible à tous, conçu pour mettre en appétit de découverte de Marseille comme de ses musées dont la visite
devrait prolonger la compréhension du Mémorial (musée d’Histoire en cours de redéploiement) .
La réussite tient aussi au parti pris retenu d’une réalisation par une société d’économie mixte de la ville (Marseille aménagement) ayant toute l’autonomie
voulue pour mener à bien un chantier par nature complexe, et d’une exploitation s’affranchissant des pesanteurs locales (les musées de Marseille manquent de moyens en comparaison des autres
grandes métropoles et les services d’une grande ville ont un cloisonnement qui ne facilite pas l’appréhension de ce genre de projet inclassable) par le recours à un délégataire
professionnel (Société Vert marine, retenue sur appel d’offre).
La ville (via sa direction des affaires culturelles) a eu l’audace d’accepter ces façons de faire nouvelles en matière de culture et de patrimoine en se donnant les
moyens d’une réalisation d’ampleur (4,5M€ H.T. pour moins de 700m2). Maîtres du Rêve a accompagné la démarche de l’idée initiale à son inauguration par le maire et le ministre de l'Éducation
nationale ce mois de mars 2011.
Le pari ne sera gagné que quand le quotidien aura intégré dans la durée le supplément d’économie et d’intérêt générés par le Mémorial en même temps que la discipline
nouvelle pour les résidents que de nouveaux visiteurs porteurs d’exigence d’un autre ordre apportent avec eux.
Le Mémorial ne saurait être un faire-valoir à lui tout seul, mais il participe à une reconquête urbaine de longue haleine. Outil de dynamisation, il appelle
par ailleurs des développements par les acteurs culturels de la ville sans lesquels la réussite ne sera pas complète.
Jean-Michel Grard – Maîtres du Rêve
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