La pêche de loisir est une activité ancestrale liée à nos vieilles racines de chasseurs cueilleurs. Dans notre société de plus en plus urbaine, la concurrence de nombreux autres loisirs aux sensations et résultats immédiats tendent à lui faire perdre de nombreux adeptes.
Dans le même temps la pêche de loisirs évolue fortement en devenant de plus en plus technique et en se spécialisant sur certaines catégories de poissons. Le chiffre d’affaires de la vente de matériel ne semble pas être affecté par la baisse continue des effectifs. Les pêcheurs sont moins nombreux mais ils consomment beaucoup plus.
On a vu apparaitre des catégories nouvelles de pêcheurs comme les pêcheurs de carpes aux techniques modernes, les pêcheurs au coup à la grande canne ou au moulinet, les pêcheurs à la mouche exclusifs, les pêcheurs de carnassiers aux leurres en eau douce, mais aussi en mer. Au sein des catégories de pêcheurs aux leurres on a vu récemment apparaitre de nouveaux mouvements comme le Street-fishing (pêche des poissons carnassiers au lancer du bord, en ville, le long des quais) et le Rockfishing (pêche des poissons marins aux leurres dans les cailloux des ouvrages portuaires) avec leurs propres circuits de compétitions. Toutes ces catégories de pêcheurs ont leurs techniques propres et leur matériel dédié, de plus en plus élaboré car constamment amélioré par les teams de compétition. On est loin de l’image traditionnelle du pêcheur assis devant son bouchon.
On pourrait être tenté de penser que l’innovation dans le monde de la pêche de loisir consiste à satisfaire ces catégories nouvelles, voir à en créer d’autres, à proposer de nouveaux concepts. Il semble toutefois que l’on arrive aujourd’hui à une certaine saturation liée à la pléthore de techniques et de matériel. Certes les fabricants et importateurs ont intérêt à travailler avec ces catégories de pêcheurs et à innover pour proposer un fil plus performant, un attractant révolutionnaire, une canne plus tactile... à un petit nombre de pêcheurs qui consomment beaucoup plus qu’avant, mais ils devraient se poser la question de l’avenir de leur cible dont l’effectif ne se renouvelle pas beaucoup.
La véritable innovation en matière de développement de la pêche de loisirs et du tourisme pêche réside certainement dans la prise en compte des non pêcheurs, pêcheurs potentiels. Pour cela il convient de leur proposer du poisson à pêcher en quantité suffisante et de les aider ensuite à faire leurs premiers pas dans un loisir complexe lié au vivant.
Dans de nombreux dossiers menés par A2H, l’innovation consiste à se battre pour obtenir une gestion différenciée, une meilleure protection de la ressource piscicole en proposant par exemple des ouvertures de pêche décalées pour protéger des secteurs de frayères, une limitation du nombre de prises journalières, en proposant une gestion patrimoniale (arrêt des rempoissonnements et travail sur le milieu) sur un cours d’eau préservé ou une gestion à vocation halieutique sur un milieu dégradé ou un plan d’eau dédié, en proposant un aménagement favorable à la reproduction et à la biodiversité.
L’innovation peut aussi consister à revenir à des pêches simples, dont on redoute tant l’image ringarde, en ciblant la catégorie de poissons la plus disponible, les poissons blancs. Ces poissons, nombreux partout, permettent toujours aux débutants de réaliser quelques prises. Ils sont pourtant très souvent méprisés à l’inverse des salmonidés, des carpes et des poissons carnassiers trop recherchés et de plus en plus difficiles à prendre.
Une véritable innovation consisterait à aider les non pêcheurs intéressés à faire leurs premières armes, voire à apprendre des techniques plus complexes. C’est une des missions du monde de la pêche associative qui met en place des Ateliers Pêche Nature pour former de nouveaux pêcheurs et développer le loisir pêche. L’effort déployé ne cible toutefois pas encore vraiment le public des touristes, des vacanciers et touche prioritairement les locaux.
Il y a là un vaste chantier en perspective pour le développement d’une forme de tourisme autour d’une activité qui potentiellement intéresse beaucoup de monde et fascine toujours autant les plus jeunes.
Philippe Collet - A2H